Jakob Baumann

Les projets PPP exigent des solutions au-delà du département avec le partenaire privé et sont donc des moteurs du changement culturel.

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Traversée du Lac Léman: un mythe prend forme

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Les Genevois auront une traversée du Léman, de rive droite à rive gauche et inversement, qu'il faut aujourd'hui contourner cahin-caha sur des trajets parsemés d'embûches.

par Annie Admane, Bâtir

Ca y est! Les Genevois ont eu la peau de leur serpent de lac qui faisait sourire depuis longtemps leurs voisins! Le 5 juin, en votation, ils ont souscrit - oui à 62,8% - au principe d'inscrire dans leur Constitution le bouclement autoroutier qui désengorgera leur capitale d'un trafic étouffant. La traversée du lac refait ainsi surface, avec un pont, ou en plongée sous les eaux, avec un tunnel. On ne sait pas encore. Le Canton n'a pas non plus fixé le mode de financement qui, selon les versions, pourrait coûter entre 2,6 et 3,6 milliards de francs.

Ce point central du dossier a été présenté le 13 mai par l'Association PPP (Partenariat Public Privé), en collaboration avec le Département genevois des transports, en la personne de Matthieu Baradel, chef de projet Traversée du lac. Une première approche basée sur diverses études, notamment celle réalisée par ProgTrans AG' à l'été 2013, et d'autres commanditées par l'Etat de Genève.

Genève bouchonne et tousse

La situation actuelle de la ville n'est pas brillante; tous ceux qui ont tenté de s'y rendre en voiture aux heures de pointe, l'ont vécu: entrer ou sortir, un piège à conducteur, où décibels et gaz carbonique se disputent l'air ambiant. Stephan Kritzinger, économiste en transport et directeur de Prognos SA, brosse un tableau édifiant: «En 2009 déjà, 280000 véhicules passaient d'une rive à l'autre du lac, soit chaque jour, 80000 par l'autoroute Al et 200000 environ par les quatre ponts de la ville, donc 50000 pour chacun.» Aujourd'hui, avec quelque 900000 habitants et 440000 emplois, le Grand Genève, constitué d'une partie des départements français de Haute-Savoie et de l'Ain, d'un morceau du canton de Vaud - le district de Nyon -, et de l'entier du canton de Genève, représente l'une des grandes agglomérations de Suisse, sillonnée de 3,8 millions de trajets journaliers, dont 80% en mode individuel. Les projections à quinze ans, en 2030, 200000 habitants et 100000 emplois supplémentaires conséquemment à la dynamique économique de la région, aggravent le problème.

Une stratégie circulatoire globale

Partant de ce constat, le chef de projet genevois a présenté les plans que les autorités entendent concrétiser: «L'Etat a établi une stratégie multimodale de développement de ses infrastructures de transport, à trois échéances, 2020, 2025 et 2030. Elle se base sur le développement du réseau autoroutier avec l'élargissement de l'autoroute Al et à terme, sur un contournement autoroutier, mais également sur une expansion du réseau ferroviaire. Pour le rail, dans un premier temps à l'horizon 2020, avec la mise en service du Léman Express (ndlr: ex-Ceva) qui reliera Annemasse en France à la gare de Cornavin à Genève, laquelle sera d'ailleurs l'objet d'une importante extension. Parallèlement, l'Etat veut requalifier le centreville, en y réduisant l'emprise du trafic automobile.»

L'élargissement de l'autoroute sera pris en charge par la Confédération dans le cadre de la résorption des goulets d'étranglement. A Genève, un montant de 1,5 milliard de francs sera investi avec des travaux qui commenceront en 2017, entre le Vengeron et l'aéroport de Cointrin. «Reste à travailler sur la deuxième étape, le bouclement autoroutier qui comporte cette traversée du lac pour former une sorte de périphérique - un ring autoroutier», explique Matthieu Baradel.

Pour financer ce projet, le Canton a souhaité explorer toutes les pistes, afin de réaliser rapidement, 2030 en vue, les infrastructures afférentes. Il a réuni un certain nombre d'études et défini un tracé de référence cantonal, pour aboutir à l'idée d'une liaison entre l'autoroute suisse au niveau du Vengeron et l'autoroute française au niveau de Vallard - un tracé de 14km, y compris la traversée du lac. Cette option entièrement suisse pourrait trouver une variante binationale, avec un raccordement à l'autoroute française A40. Mais cette alternative, moins chère, présente l'inconvénient d'être à cheval sur les deux pays et nécessiterait une plateforme douanière de gros volume.

A l'air ou sous l'eau?

Pour traverser le lac, trois options s'offrent: un pont haubanné, un tunnel foré, et un tunnel en caissons posés sur le fond du lac, chacun en deux fois deux voies ou deux fois trois voies. Serge Y. Bodart, ingénieur conseil indépendant, co-auteur de l'étude ProgTrans AG et membre du réseau d'experts de l'Association PPP Suisse, résume les coûts: «Deux extrêmes, 3,6 milliards de francs pour le viaduc et 2,6 milliards pour le tunnel foré. Le passage de deux voies à trois voies représenterait un surcoût d'environ 25%.» Les avantages et inconvénients des différentes solutions sont en balance: «Le viaduc, emblématique, peut se discuter; un Golden Gate à Genève?» Se pose alors le souci de la viabilité hivernale et d'un impact plus important sur les rives. Un tunnel immergé? L'ouvrage pourrait s'engager dans le lac à partir des rives, sans infrastructures au bord. La viabilité hivernale ne se poserait plus, mais le coût élevé serait l'inconvénient. Il aurait en outre plus d'impact environnemental. Le tunnel foré, le moins cher, aurait des impacts environnementaux moins importants. Sauf que la pente pose problème; à 8%, elle permettrait de forer dans le terrain meuble, de meilleure qualité, donc à moindre coût. Mais elle n'accepterait pas le trafic poids lourds qu'une inclinaison à 5% admettrait.

Financer tout ça

Jusqu'en 2013, le Canton a négocié avec la Confédération pour inscrire le projet dans le financement des routes nationales, mais les instances supérieures estiment que le bouclement autoroutier n'aura de sens que lorsque la rive gauche sera suffisamment développée au niveau territorial. Vu l'urgence du dossier, le Canton a décidé de se lancer dans un préfinancement, quitte à débattre ultérieurement d'une reprise de l'ensemble de ces infrastructures par la Confédération.

L'état des finances genevoises n'étant pas propice à de tels investissements, l'alternative d'un PPP a été envisagée, cela n'excluant pas, pour l'heure, la possibilité d'un financement entiè- rement public. Dans les deux cas de figure, avec ou sans péage, telle est la question. Un PPP n'est envisageable que si la rentabilité de l'ouvrage satisfait l'opérateur privé. Actuellement, l'avancement du dossier ne permet pas de se faire une idée à ce sujet. Quant à la légalité d'un péage, le Pr François Bellanger, du Département de droit public à l'Université de Genève et président du groupe d'experts chargé d'élaborer un rapport pour le Canton, a fait des recherches intensives. «L'objectif était de faire un état des lieux, de rendre un outil de travail décisionnel, avec des questions très précises: peuton ou pas prévoir un péage? Ensuite sur les PPP, nous avons fait un inventaire de ce qui existe aujourd'hui sur un plan juridique.»

Sur ce dernier point, les différents types de contrat, entreprise totale, exploitation et entretien sont classiques, et les types de financement devraient faire l'objet d'une concession, suivie d'un appel d'offre pour le choix d'un opérateur. Le transfert des risques est l'aspect sensible du PPP. En ce qui concerne le péage, selon l'article 82 alinéa 3 de la Constitution fédérale, l'utilisation de routes publiques est exempte de taxes, mais l'assemblée fédérale peut autoriser des exceptions, si trois conditions cumulatives sont remplies: il doit s'agir d'un ouvrage d'art spécial requérant un investissement important pour lequel l'absence d'un péage rendrait la réalisation presque impossible, le projet doit engendrer un gain de temps et de productivité considé- rable et enfin, il doit être abouti avec toutes les autorisations nécessaires pour se prononcer. La traversée du lac remplit sans ambiguïté les deux premières conditions. Pour ce qui est de la dernière, tout reste encore à faire, puisqu'on n'en est même pas encore au stade de l'avant-projet, un minimum, selon François Bellanger.

Partant, Matthieu Baradel a évoqué une feuille de route en deux étapes: d'abord poursuivre les études dans l'idée de passer à un niveau d'avant-projet qui permettra de solliciter l'autorisation d'un péage auprès de la Confédération, afin de sécuriser le financement. Ensuite, les études seront approfondies, pour passer à un niveau d'autorisation de construire, avant de conclure quant au mode de financement final: «Mais là, on parle plutôt d'un horizon 2022-2023.»

Source: Bâtir - journal de la construction de la suisse romandeAuteur: Annie AdmaneEdition: Juin-Juillet 2016

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